Des bouclettes blondes, de grands yeux d'un bleu océan et une mine curieuse constamment affichée sur le nez de la fillette. Assise sur le grand fauteuil qui trônait dans le salon sombre, elle attendait. Ses deux petites mains liées ensemble entre ses jambes, elle regardait un peu partout patiemment. En haut, d'étranges bruits faisaient vibrer les murs et rendaient l'air de la maison lourd et pesant. Aussi petite qu'elle était, elle comprenait l’ampleur de la situation, la violence des faits et l'incapacité qu'elle avait de changer les choses. Des hurlements se faisaient entendre à travers toute la maison qui tremblait sous l'énormité de son secret. Mais elle ne bougeait pas, silencieuse, patiente. Comme toujours. Elle avait apprit à ne plus avoir peur des portes qui claquent, des gens qui hurlent et des bruits d’objets qui se brisaient, tout comme son frère l'avait apprit. Elle était juste curieuse de savoir dans quel état le combat acharné entre deux âmes pourris qui se haïssaient finirait. Le nouveau vase, acheté récemment pour remplacer celui qui avait volé en éclat après que son père soit rentré un peu trop tard, allait-il survivre à cette fois ci ? C'était son père qui était l'investigateur de cette bataille sauvage et attrayante pour le coup. Un oubli de la femme de fermer une porte à une amie, qui avait dès lors embrouillé le cerveau de la mère de la petite fille pour que celle-ci fasse une dépense de plus, une dépense futile et qui les mèneraient à leur perte si elle devenait trop fréquente. C'était là la peine de cette famille. Un père qui travaillait trop, buvait trop, s'oubliait trop, et une mère trop jeune qui n'avait jamais souhaité d'enfants, qui ne parvenait pas à assumer ces deux enfants qui lui collaient aux basques et l'empêchaient de vivre cette vie de star qu'elle s'était toujours figuré avoir. Fille bourge d'une riche petite famille des Etats-Unis, elle était tombé enceinte du premier garçon venu, qu'elle s'était forcée à épouser et suivre dans cette ville sombre et fade, où les valeurs familiales prônaient sur tout, sauf sous son toit. Une erreur de deux adolescents un peu trop impatients qui n'avaient pas su se gérer et qui se forçaient à ramener de quoi manger pour une progéniture curieuse et toujours souriante. Un ange qui vivait tant bien que mal, baladant son corps un peu trop large, un peu trop différent. Un ange qui passait son temps, pendant que sa mère hurlait sur le pauvre homme qui avait accepté d'assumer sa connerie, pendant qu'elle rabaissait l'homme qui les faisaient vivre alors qu'elle, gosse de riche qui avait du tout abandonner alors que ses parents la chassaient pour avoir été enceinte bien trop vite, bien trop jeune. Et puis un autre enfant, trois ans après, autre cadeau du ciel lâchement rejeté. Un homme au courage exemplaire qui s'était laissé pourrir de l'intérieur par cette femme qui l'empoisonnait. Un homme qui n'était plus désormais qu'alcool, rancœur et colère. Et à Georgia de lever les yeux vers le plafond, tentant vainement d'entendre ce qu'ils se disaient.Désormais les cris se faisaient moins forts. Bientôt ils redescendraient, et d'autres cris viendraient hanter leurs nuits. Seul moyen qu'ils avaient trouvés pour une réconciliation qui les brisait un peu plus. Il pourrissait là auprès d'une femme qu'il ne voulait pas de lui, et elle se laissait vivre avec un flegme sans fin et une arrogance dès plus déplacés. Une mère, sa maman. Une mère qui ne faisait pas de gâteaux, qui l'oubliait dans les supermarchés, qui ne lui lisait pas d'histoires. Une mère qui le regardait de longues heures, silencieuses, le regard triste. Une mère qui n'osait la présenter à ses amies, trop honteuse du surpoids de la gamine. Une mère qui continuait à lui dire, encore et toujours, à quel point l'enfant lui faisait honte, à quel point elle regrettait d'avoir fait une telle enfant. Une mère trop occupée à donner une bonne image d'elle qu'elle en oubliait peu à peu à quoi elle ressemblait. Georgia elle même ne le savait pas vraiment. Quand à l'école son professeur lui demandait de dessiner sa famille, elle mettait constamment du maquillage à cette femme et changeait la couleur des cheveux plusieurs fois, changeant d'avis comme elle de chemise, ou d'amants. C'était l'une des choses que la petite fille perspicace avait comprise alors qu'elle sortait tard, qu'elle ne rentrait pas de la nuit, et qu'elle se mettait à hurler lorsqu'elle arrivait à la maison seule, la trouvant en présences d'hommes, toujours différents, au lieu de l'attendre à l'école où elle était de toute façon toujours en retard. Une maman aux nombreux princes charmants, qui ne parlait pas d'amour ni de bonheur. Mais Gie ne disait rien parce qu'une fois elle l'avait attrapée par la tête, les doigts plantés dans ses joues grassouillettes, et lui avait dit droit dans les yeux de ne jamais rien dire à l'homme qu'elle appelait papa, que cela lui ferait du mal et qu'il partirait. Et que si un jour il partait, alors elle partirait aussi, la laissant seule dans la maison froide, son frère sous le bras. Menace qu'elle avait cru, se demandant tout de même si sa mère serait capable de l'abandonner. Et elle s'était convaincu du haut de son jeune âge que oui, elle partirait. Que oui, c'était ce que faisaient les femmes, et que l'enfant serait alors seule à tout jamais. Alors bien sur, l'enfant s'était tut. Elle se concentrait sur cette image d'elle, image si importante pour sa mère, tentant par tout les moyens d'être enfin digne de cette jolie femme aux boucles blondes. Elle ne voyait de toute façon que rarement celui qui se disait être son géniteur, l'homme trop occupé dans son emploi minable de bureau, avec des horaires de travail de dingues et d'affreuses cravates. Avant tout ça il avait été un beau jeune homme, heureux et populaire avec un grand avenir devant lui. Puis lui était tombé dessus une famille, une demoiselle dépensière et un bébé de trois kilos huit. Un bébé qui avait grandit trop vite et qu'il avait du assumer jusqu'au bous, laissant tout rêves de gloires et de richesses alors que sa compagne flânait, perdant son temps dans des séances shoppings et laissant leur enfant seule. Compagne qui dévalait les escaliers en furie, déboulant dans le salon où les enfants se trouvaient. Elle ne les remarqua qu'après avoir ouvert un tiroir du guéridon, laissant tomber tout ce qu'il contenait. Elle se stoppa net, rouge de colère et s'acharna sur elle, comme toujours dans ces moments . « Qu'est ce que tu regardes ? Je t'avais dis de te barrer tu as compris ? Allez dehors, tout de suite, et emmènes ton frère ! » Pâlissant l'enfant se leva d'un coup, près à courir dans le jardin avec le bambin gigotant. Il fallait qu'elle trouve un endroit où se poser, et rapidement. Et comme elle le faisait toujours, elle se laissa atterrir chez la voisine qui la réconforta un moment avant de leur offrir, à son frère et elle, un peu de gâteau et de gentillesse.


« Eh p'tit cul viens voir par ici ! » Des rires graveleux alors que la blonde soufflait discrètement, sortant de sa poche son plus beau sourire et marchant vers l'homme aux mains grasses. Un camionneur, un idiot. Un idiot qui la trouvait belle et ne se dérangeait pas à lui dire, encore et encore. Et Harold avait beau être vulgaire, sale, dangereux, elle s'en fichait. Il l'aimait bien alors tout le reste passait. Il était l'un de ceux qui s'amusaient à tourner autour de la flic. Un de ceux qui n'avaient de respects pour son badge que lorsqu'il se fixait à sa culotte. Elle s'y était habitué maintenant. Elle était femme après tout, n'était-ce pas ce que faisaient les femmes ? Elle ne savait plus trop tout compte fait. Sa vie n'avait été que rires, cris et violence. Une violence excise, une violence qui était parvenue à la brûler vive, à l'embraser jusqu'au fond du cœur. Une violence verbale qu'elle avait subie, des regards terrible qui l'avaient suivis, des mots atroces restés dans son esprit. Des actes terribles, et un oubli total. Qui donc se souvenait de la petite grosse maintenant ? Celle que l'on rabaissait entre deux cours, celle que l'on traitait de tout les noms avant d'en oublier jusqu'à son existence ? Tout ces hommes qui avaient posés leurs mains sur sa peau, tout ces hommes qui l'avaient désirés avec ardeur alors qu'elle ne voyait plus que les réminiscences d'enfants terrible la brisant encore et encore. Aujourd'hui ses bourreaux étaient à ses pieds. Ils l'étaient tous, cherchant tour à tour son attention, son affection, ses cris de plaisir. Elle ne comprenait toujours pas véritablement pourquoi tous la désiraient tant. Mais bon dieu, ce qu'elle pouvait aimer sa. Ce sentiment fou de puissance dans son esprit alors que tous rampaient à ses pieds. Tous sauf Anson. Frustration terrible pour elle. Georgia n'attendait que lui, le seul et unique amour de sa vie. Celui-ci même qui l'ignorait, seul mâle incapable de voir à quel point elle était jolie, à quel point elle rayonnait. Seul mâle à fermer les yeux sur cette détresse criante qui l'engloutissait peu à peu, pour le plus grand plaisir des autres, des porcs.