« Norrie ? » J'entendis l'appel de mon grand-père venant de l'entrée.   « Je suis dans la cuisine ! » répondis-je tout en repoussant mes mèches de cheveux avec l'avant bras. L'odeur était aussi écœurante que la substance mais au fil des années, on arrivait presque à s'y habiter. « Tu ne devrais pas faire ça !» Le mélange des morceaux de nourriture qui n'avait pas été digéré et les morceaux de verres rendaient le nettoyage un peu plus difficile.    «Je n'ai pas le choix, il faut bien que quelqu'un nettoie.» Je relâchais un morceau du torchon au dessus de la bassine pour y faire tomber ce que je venais de ramasser. Je sentis la main de mon grand-père se poser sur le haut de mon dos puis ses lèvres sur mes cheveux. « Où est-elle ?» Je mis le torchon sur le rebord de la bassine, j'avais ramasser tous les morceaux de vomit, il ne restait que des morceaux de verres que je pourrais facilement enlever avec le balai.   «J'ai réussi à la ramener dans sa chambre mais elle ne doit pas être en état de parler.» Je me relevais avec quelques difficultés, mes jambes étaient engourdies à cause du temps trop important passer à genoux. Une part une je les secoua pour retrouver un semblant de confort. « Viens dormir à la maison ce week-end, ça te changera un peu les idées.» Je pris la bassine pour la vider dans un sac poubelle. Le mélange des cendres froides, des filtres de café et à présent du vomit et de l'alcool me força à reculer, le dos du poignet devant le bouche et le nez.   «J'aurai tellement aimé mais les garçons et moi, nous avons prévu de le passer ensembles mais je pourrais venir dîner demain soir si tu me fais ton poulet au caramel et les cookies au smarties. »  Je pris le balai dans le placard tout en regardant mon grand-père avec un énorme sourire. « Les garçons ? Tu ne vas jamais me dire que tu vas avoir une soirée pyjama ou un wekk-end shopping avec Stacy ou Ashley ?» Il avait beau adoré Benny et Joe, le fait que sa petite fille adorée ne traîne pas avec des filles l’inquiétait un peu. Il avait sans doute peur qu'on entretienne une relation amoureuse tous les trois, un truc super malsain ou alors que je sois lesbienne. Oui, sans doute, il devait penser à quelque chose comme ça.   «Je ne connais pas de Stacy et Ashley est une garce qui se tape tous les mecs ! Tu ne voudrai pas que je traîne avec elle, crois moi !» Je l'entendis rire alors que je rassemblais les éclats de verre au milieu de la pièce. Il s'approcha de moi et m'embrassa le front. « A demain, et ramène les garçons si ils veulent !» Une fois parti, je désinfectais le sol plusieurs fois.

« Tu es la fille du beer pong ? » La voiture avait ralenti à côté de moi. J'essayais de rejoindre Chester's Mills à pied depuis la ville voisine la plus proche.   «Possible !» Je revenais d'une fête où mon conducteur qui ne devait pas boire, avait vidé presque une bouteille de vodka à lui tout seul. J'avais donc décidé de rentrer toute seule, dans la nuit, sur les bords de routes. « Tu veux que je te raccompagnes ? » Je jetais un coup d’œil au conducteur, je le connaissais de vue.   «Non, ça va aller.» Je  refermais le col de mon manteau sur mon cou. La fumée blanche du au froid s'échappait de ma bouche. «Norrie ? C'est ça ? Aller monte, il reste plusieurs kilomètre, il fait nuit et froid, on ne sait pas sur qui tu peux tomber.» Il avait totalement raison, je m'arrêtais, la voiture fit de même. On m'avait toujours dit et répéter de ne jamais monter en voiture avec des inconnus, mais il ne l'était pas vraiment, après tout, je le connaissais de vu et il connaissait mon nom. Je pris la poignée de la porte dans mes mains, durant dix secondes, je voulus lâcher la poignée et continuer ma route, toute seule et à pied mais le vent glacial percuta mon visage. Une fois dans la voiture, je plaça mes mains gelées au niveau du chauffage. Durant les premières kilomètres, aucun de nous deux ne parla et c'était sans doute mieux ainsi. «C'est ici que nos chemins se séparent.» J'étais soulagée de pouvoir enfin sortir de cette voiture. Durant le trajet, malgré le silence, quelque chose de malsain m'avait hérissé les poils.   «Merci.» Alors que j'allais pour ouvrir ma porte, il attrapa ma main. «C'est comme ça que tu me remercie de t'avoir ramener.» Je levais les sourcils ainsi que les épaules.    «Oui, c'est comme ça qu'on m'a apprit à remercier les gens.» Il détacha sa ceinture de sa main de libre. «Oui, enfin à l'université, on a une autre manière de remercier.» En moins de temps qu'il faut pour le dire, il était à moitié allongé sur moi. La surprise fut tout aussi grande que je n'étais pas vraiment habitué à ce que les garçons aient ce genre d'attitude. J'en côtoyais deux presque 24h sur 24 et aucun n'avais jamais eu le moindres gestes déplacé. Je voulus crier mais sa bouche m'empêchait d'ouvrir la mienne. Je sentis ma ceinture s'ouvrir. Je réussis à mordre sa lèvre, le goût de fer chaud envahit ma bouche presque aussitôt. Il pris assez de distance pour pouvoir ramener son poing contre ma joue à une allure rapide. Je crachais son sang, ainsi que le mien sur la vitre. Alors que je cherchais de la main la poignée, il arriva à commettre l'irréparable. Je me suis alors à penser à autre chose, ne luttant plus pour ma survie ni pour ma dignité qu'il venait de m'enlever. Quand il eu finit, il reprit sa place initial, sur son siège. J'ouvris la porte pour sortir, le haut de mon corps entra en contact avec le bitume glacé. Je l'entendis râlé puis claquer sa portière.  J'essayais de ramper vers le fossé mais sa main se posa sur ma nuque et mon petit gabarit lui permit de me lever d'un seul geste. «Où tu crois aller ?» Je le suppliais de me laisser, que je n'allais rien dire. Il me tira jusque devant le voiture.   «Je ne suis pas stupide Norrie. Je connais les filles comme toi ! » Je me suis mise à rire, il ne comprenait pas vraiment, son visage trahissait son incompréhension.   «Non, tu sais rien des filles comme moi.» Les phares s'approchaient à une vitesse folle. Je lui souriais une dernière fois avant de rassembler mes dernières forces. Sous la surprise, il n’opposa aucune volonté et son corps alla s'écraser contre le devant du poids lourd. Je n'attendis pas que le camion s'arrête ni que le conducteur descende. Il était très tard, je devais rentrer.

Le silence régnait dans la maison, j'essayais de faire le moins de bruit possible pour ne pas réveiller mon grand-père. J’alternais mes lieux d'habitations, une fois chez maman, une fois chez grand-père. Après avoir finit le verre de jus d'orange, je le posais dans l'évier. Prête pour l'université ? Pas vraiment, mais je n'avais pas le choix. Il était très tôt, mais je devais encore aller chercher mes affaires et la voiture chez ma mère. Je devais donc aller de la route 117 où habitait mon grand-père à Deep Cut Road, où se trouvait la petite maison familiale de ma mère. Je vis le soleil se lever quand j'atteignis Main Street, je m'arrêtais quelques secondes pour observer ce merveilleux spectacle. La rue était quasiment déserte, quelques personnes promenaient leur chien et d'autre commençait leur jogging. Je pris mon portable et commença a filmer le lever du soleil, j'avais dans l'attention d'envoyer ensuite la vidéo à Joe et Benny pour les réveiller. « Il est l'heure de se réveiller les marmottes ! Le soleil se lève et la journée commence. » Je tournais l'objectif vers moi avec un grand sourire avant de tirer la langue. Une première secousse assez légère arriva. « C'est quoi ce bordel ? » Je tournais à toute vitesse l'objectif vers le ciel, puis vers le clocher de l'église qui s'était mis à tinter selon les mouvements de la bâtisse. Je ne pensais plus vraiment à filmer, j'essayais surtout de comprendre ce qu'il se passait. Quand tout redevint calme, les chuchotements envahir la rue. Je me suis mis à courir vers la maison de mon grand-père, en même temps je pensais à Joe et Benny que j'essayais de les joindre un après l'autre mais chaque appel se terminait par un échec. « Grapa ! » C'était ainsi que appelais mon grand-père, une contraction des mots grand et papa. Je jetais mon sac dans l'entrée et montait les marches deux par deux. Il n'y avait personne au premier étage, je descendis l'escalier, glissant sur les dernières marches, me retrouvant sur les fesses. « Grapa ! » Je courus dans la cuisine où mon verre avait été déposé à l'envers sur l'égouttoir. Je le vis, dehors sur la terrasse. « Tu vas bien ? » Je lui sautais carrément dessus. Son regard ne quittait pas le ciel. « Il se passe quelque chose Norrie ! » Il avait rarement été aussi sur de lui, je levais les yeux au ciel pour apercevoir un avion s'écraser contre..rien, il n'y avait absolument rien. Il plaqua ma tête contre son épaule pour m'éviter de voir l'avion chuter au sol. Je me rappelais alors la scène de Signes, où les oiseaux percutaient quelque chose d'invisible. Le film était-il devenu réalité ? «Je dois aller voir les garçons et maman ! » Je me détachais de lui, l'épave de l'avion était hors de vue, le lieu d'impact se trouvait à quelques kilomètres. « Vas chercher mes clefs de voitures !» J’exécutais son ordre. Durant les quelques minutes, qui me parurent éternité, je ne quittais pas mon portable, continuant a appeler successivement Joe et Benny. Il me déposa d'abord, devant la maison de ma mère qui fut vide de toute présence. Un mot trônait sur la table de cuisine : Je suis à Lewiston pour deux jours. Il lui arrivait souvent de partir quelques jours dans d'autres villes, pour boire loin de mon regard.
J'avançais dans la rue sans but, repensais aux sons de la cloche de l'église puis a crash de l'avion. Le soulagement fut immense quand je vis les deux garçons, sautant dans leurs bras. Je m'en fichais que ma mère ne soit pas ici, avec nous. J'avais déjà pas mal de chose à gérer donc l'absence d'une alcoolique n'était qu'un plus.