Il faisait beau, aujourd'hui, exactement comme ce jour où il avait quitté la ville. Ce jour où il avait pensé que prendre un nouveau départ allait tout arranger, ce jour où il avait abandonné l'être qui comptait le plus à ses yeux, sa raison de vivre.
Le soleil brillait dans le ciel bleu, bien qu'il était difficile de savoir si il était hors, ou dans le Dôme. Cette chose qui s'était établie autour de Chester's Mills, avait emprisonné les habitants de cette petite ville. Par chance, Jason s'y était glissé juste avant que le Dôme n'apparaisse. Parce qu'il était revenu. Pour elle, pour la voir. Une première, puisque il avait coupé tout contact avec elle. C'était dur, mais il était sûr que c'était la meilleure chose à faire.

Il descendit la rue, et se retrouva dans ce quartier qu'il connaissait par cœur. Une multitude de souvenirs lui remontèrent soudainement à la tête, et semblèrent le noyer durant un court instant. Il réalisa que son ancienne vie lui avait terriblement manqué, et qu'il avait raté beaucoup trop de choses. Sa place était ici, définitivement. Après quelques minutes de marche, il s'arrêta enfin devant une maison, une maison bien trop familière. Oui, il avait habité là. Oui, à l'intérieur, se trouvait sûrement sa femme, qui, qui-sait, faisait quoi ?

Jason hésitait. Debout, sur le palier, il ne savait pas s'il devait le faire. Après tout, cela faisait un bon bout de temps qu'il était partit, et n'était jamais revenu une seule fois, et avait à peine donné de ses nouvelles. A croire qu'il s'était tout simplement évaporé dans la nature, du jour au lendemain. Et voilà qu'un beau jour, il avait décidé de revenir, comme si de rien n'était. Comme si tout allait bien. Mais il avait tellement besoin de voir le visage de sa femme. Il devait au moins s'assurer qu'elle allait bien, et qu'elle était heureuse. Et lui dire qu'il allait bien, qu'il avait combattu victorieusement son addiction à l'alcool, et surtout, qu'elle lui manquait atrocement.

Il réfléchit encore quelques secondes, planté sur le paillasson. Mais puisqu'il était là, autant aller jusqu'au bout. Il prit une grande inspiration. Et appuyta sur la sonnette.

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Un crocodile, deux crocodiles, trois crocodiles, quatre crocodiles, cinq crocodiles, six crocodiles... La porte d'entrée s'ouvrit au septième crocodile, et une jeune femme s'y présenta. Chaya. À la vue de ce visage qui représentait tout pour lui, qu'il avait tant chéri, qu'il n'avait pas vu depuis si longtemps, sa respiration s'interrompit. Les larmes lui montèrent aux yeux, mais il les ravala, ignorant tous les souvenirs qui commencèrent à l'envahir. Il ne savait pas quoi dire. C'était la première fois qu'il la voyait depuis si longtemps. Qu'était-il supposé dire ? Il n'avait jamais été doué pour trouver les mots justes.
Avant qu'il ne puisse trouver de réponse, il reçut un jet de chocolat sur lui, et son tee-shirt fut foutu. À peine eut-il retrouvé ses esprits que la main de sa femme partit s'écraser sur sa joue, émettant un bruit sonore. Puis, elle claqua la porte et le laissa sur le palier, perdu. Il ferma les yeux. Tout s'était passé si vite, il n'avait même pas eu le temps de bien la regarder. Mais, nom de dieu, à quoi pensait-il ? Qu'il allait revenir d'un jour à l'autre, qu'il allait se pointer chez lui devant sa femme comme une fleur, et qu'elle l'accueillerait en lui sautant de joie au cou ? Non, bien sûr que non. Tout ça n'étaient que pensées. Si ça se trouve, elle ne lui pardonnerait peut être jamais, ce qui lui donnerait une bonne raison de quitter Chester's Mills pour toujours. Sauf qu'il été coincé ici pour un bon bout de temps. À cause de ce Dôme. Ce foutu dôme apparu de nulle part. Encore un soucis parmi ses centaines de soucis.
Brusquement, la porte se réouvrit, et le visage de sa femme réapparut à nouveau. Elle lui demanda ce qu'il faisait là... Mais il n'en avait aucune idée, à vrai dire. Tout ce qu'il voulait, c'était la revoir. Elle lui avait tant manqué. Pas une minute ne s'était écoulée sans qu'il ne pense à elle. Et maintenant qu'il se trouvait juste devant elle, aucun mot ne sortait de sa bouche. Pire qu'une statut. Quel con, Jason. Quel con tu fais.

« Chaya, je... » commença t-il, les lèvres tremblantes.

Il s'interrompit. Il leva la tête et plongea son regard dans les beaux yeux marrons de sa bien aimée. Il leva le bras, pour caresser son visage, mais s'arrêta en plein élan. Il secoua la tête, et laissa retomber sa main le long de son corps.

« Je ne sais pas quoi dire, je... Tu m'as tant manqué, Chaya. Tellement. »

Sa voix s'éteignit une nouvelle fois, et il se contenta de contempler le visage de sa femme. Il espérait juste qu'il pourrait revenir, et que tout redeviendrait comme avant.

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Son coeur battait à toute allure. De bonnes minutes s'étaient écoulées et Chaya ne l'avait toujours pas rejeté. Pas encore. C'était bon signe. Enfin tout le monde savait que la tempête arrivait souvent après donc, bon, il y avait toujours un risque. Jason attendait que les mots fatals tombent, les mots qui l'anéantiraient. « Va t-en, Jason. J'ai tourné la page. » Mais ils ne venaient pas. A la place, d'autres mots complètement opposés - et complètement inattendus - sortirent de la bouche de sa femme. « Je t'aime toujours ! » avait-elle lâché, à sa plus grande surprise. Toujours immobile, il ouvrit la bouche, pour ajouter quelque chose, mais il s’abstint. Pourquoi ne l'avait-elle pas recalé ? L'aimait-elle réellement toujours ? Si seulement cela était vrai. Il ne souhaitait que cela.

« Oh, ma Chaya. »

Il leva la main et caressa doucement la joue de sa femme du bout des doigts. Sa peau était si douce... Ce toucher lui avait manqué, tellement. Silencieux, les yeux plongés dans les siens, ils se contentaient d'apprécier ce moment, car il craignait que celui-ci s'arrête à chaque instant.
Puis, il s'interrompit, et tira le bas de son tee-shirt trempé et dégoûtant. Sa bouche s'étira en un petit sourire, et il lâcha :

« Je ne voudrais pas gâcher ce moment, mais, si cela ne te gêne pas, j'aimerais me changer et éloigner cette formidable odeur de chocolat. »

Avec un peu de chance, elle n'avait pas jeté ses anciens habits. Car il n'avait pas oublié qu'il avait habité là, autrefois. Et il avait hâte de voir si sa chambre avait changée. Et aussi si elle avait fini par peindre leur salle de bain en rouge, comme elle l'avait dit lorsqu'ils avaient l'habitude de se laver ensemble. Dans le hall où il se trouvait, tout était comme dans son souvenir, si ce n'était quelques légères modifications. Comme leur photo de mariage qui avait disparue du mur, par exemple.

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